Douleurs de doigts chez le grimpeur

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Qui n’a jamais eu mal aux doigts à la grimpe ? Qu’elle soit ponctuelle, chronique ou intermittente, la gêne ou la douleur digitale en lien avec la pratique de l’escalade est courante, voire même incontournable. Nous nous proposons de discuter des atteintes articulaires, tendineuses, et de poulies digitales que les grimpeurs peuvent rencontrer au cours de leur vie de grimpe, et d’indiquer dans quels cas il est important de consulter.

Les doigts s’adaptent !

La pratique de l’escalade détermine des forces de contraintes rarement retrouvées ailleurs. La richesse des prises, des préhensions, de l’inclinaison du bloc ou de la voie, des pieds qu’il est possible de charger, fait de l’escalade une discipline très protéiforme déterminant des contraintes très variées sur nos doigts. 

Anatomie du doigt
Anatomie du doigt (A = poulie annulaire / C = poulie cruciforme)

La répétition de ces contraintes détermine des changements adaptatifs au niveau digital : épaississement des os des phalanges, des articulations inter-phalangiennes, des tendons des fléchisseurs (superficiels et profonds) et des poulies, entre autres. L’adaptation, pour le corps humain, est primordiale pour maintenir sa structure, et les doigts n’y échappent pas ! Ces phénomènes adaptatifs sont nécessaires à la conservation des structures du doigt. Sans eux, nous ne pourrions pas supporter des contraintes de force aussi importantes.

Au cours de cette adaptation lente et progressive, les doigts peuvent rencontrer des contraintes auxquelles elles ne sont pas encore adaptées. À ce moment, des douleurs peuvent apparaître. Mais parfois, rien n’explique nos douleurs de doigts, elles surviennent de manière inopinée et ne nous lâchent plus…

J’ai mal, à quel moment dois-je m’inquiéter ?

La question la plus importante à se poser face à une douleur ou une gêne digitale est la suivante : suis-je face à une douleur ponctuelle qui passe dans les prochains jours et ne m’embête plus après ? Ou, suis-je face à une douleur qui se pérennise dans le temps, qui devient récurrente à chaque fois que je retrouve un même type de préhension, voire même qui m’empêche de grimper pendant plusieurs semaines ?

Ainsi nous pouvons distinguer deux catégories de gêne ou de douleur digitale :

Afin de vous aider à distinguer dans quelle catégorie de gêne vous vous trouvez, vous pouvez vous poser plusieurs questions :

> Habituelle ou inhabituelle ? Ai-je déjà rencontré ce type de douleur ? Si oui, est-ce que ce type de douleur est passé très vite ou, au contraire, ai-je été embêté longtemps ? 
> Évènement déclenchant particulier ou inopiné ? Ai-je été voir un bloc dur dans lequel j’ai dû forcer et/ou prendre une prise d’une manière inhabituelle ? Ou, au contraire, ma douleur ne corrèle avec rien et n’est justifiée par aucun évènement particulier.
> Facteur temps et évolution. Depuis combien de temps ai-je mal ? La douleur m’embête de moins ou moins, ou, au contraire, reste constante, voire s’aggrave ? 
> Crac ou pas crac ? Ai-je entendu un crac, comme si j’avais cassé une prise, puis depuis j’ai mal et mon doigt est gonflé ? 

J’ai mal, ça ne passe pas, qu’est-ce-que j’ai ?

Si vous avez mal au doigt et que cela fait déjà un moment, vous êtes à coup sûr dans la deuxième catégorie, celle des douleurs chroniques. Il est important de comprendre que cette situation n’est pas normale, votre doigt devrait cicatriser, comme votre peau après une grosse session sur des arquées tranchantes. En effet, si des douleurs persistent, il y a forcément quelque chose qui s’oppose à la cicatrisation de la structure atteinte ou qui la sensibilise…

Quelles sont les structures en cause ? Les douleurs de doigts peuvent intéresser plusieurs structures, la plupart du temps, il s’agit de douleurs :
articulaires (plus particulièrement l’entorse et la synovite) ;
d’un ou plusieurs tendons des fléchisseurs (tendinopathie des fléchisseurs) ;
de poulie.

Distinguer ces douleurs est le premier pas vers la guérison. Cela vous permettra d’agir en conséquence : consulter un praticien, adapter la charge de travail, faire une imagerie médicale (IRM, échographie, etc…)

1. L’entorse du doigt

L’entorse du doigt détermine une douleur mécanique dont la localité intéresse une articulation inter-phalangienne ou métacarpo-phalangienne. Elle a souvent lieu à la suite d’un mouvement de torsion des doigts dans une prise ou en réceptionnant les fesses du copain à la parade. Les amplitudes de mouvement du doigt peuvent être diminuées, notamment lorsque l’entorse s’accompagne d’une inflammation (synovite).

Douleur de l’articulation inter-phalangienne proximale de l’index

2. La synovite inter-phalangienne

La synovite inter-phalangienne est une inflammation d’une articulation inter-phalangienne. Elle se caractérise par une douleur, un gonflement, et une articulation plus ou moins rouge et chaude selon les contraintes subies. La flexion et l’hyper-extension articulaire sont douloureuses, les amplitudes de mouvements peuvent être restreintes.

3. La tendinopathie du fléchisseur

La tendinopathie du fléchisseur désigne la souffrance d’un tendon fléchisseur. Elle se caractérise par une douleur se trouvant le long du doigt, à sa face palmaire. Le grimpeur montre généralement un trajet le long du tendon, qui peut même remonter à la main, au poignet et à l’avant-bras. La douleur est parfois localisée seulement le long d’une seule phalange. Elle survient à l’échauffement et/ou lors d’une préhension spécifique, et le grimpeur garde souvent une sensibilité à froid. Le grimpeur peut également décrire une gêne lors de la flexion du doigt. Parfois, un nodule (gonflement à un endroit précis) peut être perçu à la palpation. 

Sensibilité sur les tendons fléchisseurs du majeur (le trajet peut être moins étendu)

Cette pathologie empêche rarement le grimpeur dans sa pratique mais l’handicape grandement lorsqu’il s’agit d’être dans son niveau max. Dans la chronicité, elle peut se compliquer d’un doigt à ressaut et/ou d’une rupture de tendon ou de poulie.

4. Les douleurs de poulies digitales 

C’est une douleur plus précise, intéressant les côtés d’une phalange (au niveau A1, A2 ou A4 généralement – cf image « Anatomie du doigt »). Elle s’accompagne volontiers d’un oedème et d’une douleur à la face palmaire de la même zone. C’est généralement une préhension spécifique en arquée à 90° ou en tendue sur un ou deux doigts qui initie la pathologie. Il existe une sensibilité à froid. Il peut parfois y avoir un bruit de claquement, de « branche cassée » qui indique directement que la structure de la poulie est atteinte (partiellement ou totalement). L’imagerie médicale (IRM ou échographie) permet de faire cette distinction. D’un point de vue clinique, une rupture totale de poulie s’accompagne généralement d’une corde d’arc. 

Sensibilité de poulie A2 sur le majeur

Nous pouvons donc classer trois types d’affections de la poulie : la sensibilité de poulie (ponctuelle ou chronique), la rupture partielle de poulie et la rupture totale de poulie. La sensibilité de poulie est, de loin, le stade le plus fréquemment rencontré. Évoluant à feu doux dans la chronicité, elle est malheureusement, la plupart du temps, prise en charge quand elle se complique d’une rupture…


En quoi l’étiopathie peut m’aider ?

L’étiopathie peut vous aider sur trois aspects :
> Connaitre et comprendre votre douleur et son origine ;
> Traiter votre douleur en intervenant mécaniquement sur votre doigt et/ou en restituant les conditions nécessaires à la cicatrisation de la structure souffrante ;
> Conseiller sur la démarche à suivre : imagerie médicale, adaptation de la charge sur le doigt, mise en place d’un suivi, …

1. La prise en charge étiopathique des entorses est plutôt simple : la réduction de l’entorse permettra un retour progressif à la normale.

2 / 3. La prise en charge étiopathique des synovites et des tendinopathies est relativement aisée. La durée de rémission de la pathologie est dépendante de plusieurs paramètres : le type de synovite (sensibilité synoviale, polyarthrite digitale, …) et de tendinopathie (inflammation de la gaine synoviale ou du tendon, sensibilisation de la gaine synoviale, dégénérescence tendineuse, …), l’activité du patient, la chronicité de la pathologie, etc…

4. La prise en charge étiopathique des douleurs de poulies est également aisée. La plupart du temps le grimpeur présente juste une sensibilité de poulie sans une réelle atteinte anatomique.

Les ruptures de poulie ne sont pas le fruit du hasard. Il faut savoir que la poulie a des capacités d’adaptation très importantes à la contrainte. Sa rupture coïncide, la plupart du temps, avec une augmentation des contraintes entre poulie et tendon : la gaine du fléchisseur est épaissi, augmentant les contraintes et les frictions sur la poulie. Autrement dit, la tendinopathie des fléchisseurs et/ou la sensibilité de poulie chronique précède souvent la rupture de poulie. Dans d’autres cas, la rupture de poulie est la conséquence d’un mauvais échauffement.

Les ruptures de poulies nécessitent, selon les cas, une prise en charge multiple avec un étiopathe, un kinésithérapeute, voire le port d’une prothèse et/ou une chirurgie.

En conclusion

  1. Les douleurs de doigt peuvent être ponctuelles ou chroniques. Pensez à savoir dans quelle catégorie de douleur vous vous trouvez.
  2. Elles intéressent majoritairement les articulations, les tendons et/ou les poulies digitales. Savoir les distinguer est un premier pas vers la guérison.
  3. La présence de douleur chronique sur un doigt nécessite de consulter pour ne plus souffrir. Mais aussi afin d’éviter les complications, notamment la rupture de poulie.
  4. L’étiopathie peut vous aider à mettre un terme à vos douleurs de doigt !